Les naines brunes sont des objets sous-stellaire énormes, plus grands que des planètes, mais dont la masse n'atteint toutefois pas le seuil critique au delà duquel l'objet pourrait déclencher la fusion nucléaire pour se transformer en étoile brillante. Par conséquent, ces astres à la naissance brûlante, refroidissent progressivement avec le temps. Véritables boules de gaz incandescentes en début de vie, elles finissent par se liquéfier, puis se solidifier.
Lors de ce processus, qui peut prendre des dizaines de milliards d'années, le climat de la naine brune évolue avec la température de celle-ci, et l'on pense que lorsque sa température de surface baisse jusqu'à 2300°K (2030°C environ), les nuages saturés en fer vaporisé se condensent pour donner naissance à d'infernales pluies de fer liquide en fusion (Nickel également, les points d'ébullition étant très proches). A ces tempêtes de métal se rajoutent également les vapeurs de silicate qui, se refroidissant, aboutissent à de véritables pluies de lave...
En deçà de 1000 °C, cependant, les nuages de métaux et de roches s'enfoncent probablement dans les couches inférieures invisibles de l'atmosphère.
En utilisant l'observatoire austral européen du Chili, le VLT (very large telescop), une équipe menée par I. Crossfield a créé pour la première fois, une carte météorologique globale d'une naine brune, Luhman 16 b. Cet objet de masse super-planétaire, intermédiaire entre l'étoile et la planète, fait partie d'un système binaire de naine brune connu sous le nom de Luhman 16AB. Comme son nom l'indique, cette binaire fut découverte par Kevin Luhman, un astronome de l'université de Pennsylvannie, en Mars 2013, grâce aux données fournies par le Wise (Wide-field Infrared Survey Explorer) de la NASA. Le couple de naines brunes se trouve à seulement 6,5 années-lumière, très proche à l'échelle galactique : non seulement Luhman 16AB est le système binaire de naine brune le plus proche de notre planète, mais il est également le 3ème système le plus proche : Seuls les systèmes Alpha Centauri et l'étoile de Barnard sont plus proches. Or, il est de notoriété publique que les naines brunes, peu lumineuses et peu radiatives (surtout en infrarouge), mais également petites, comparativement à une étoile, sont difficiles à étudier. C'est la proximité de ce système qui a permit son observation approfondie par le VLT.
Bien que les deux naines brunes du système aient été observées de la même façon, seule Luhman 16 b montre une importante variabilité temporelle de sa température de radiation, cohérente avec sa période de rotation de seulement 4,9 heures. Les zones chaudes et froides (relativement à la température moyenne) provoquent des oscillations radiatives significatives. Mises en images, les zones sombres et froides représentent vraisemblablement les couches supérieures de nuages qui obscurcissent les régions inférieures, plus chaudes, et reflètent l'énergie radiative interne vers l'intérieur de l'astre. Par contraste, les couches brillantes sont les zones dans lesquelles l'énergie radiative interne est plus facilement libérée dans l'espace - zones, donc, non-couvertes par les nuages.
Ci-contre : Cartographie radiative (infrarouge) de la surface de la naine brune. Les régions les plus claires et les plus sombres correspondent à une variabilité de température de l'ordre de 10%. Img : ESO/I. Crossfield.
Actuellement, Luhman 16 b a une température moyenne de surface de 1100 °C, pour le moins inconfortable pour les hommes. La cartographie météorologique de cette naine brune montre néanmoins une atmosphère complexe et des phénomènes qui nous rappellent ceux de la Terre - à cela près que les pluies d'eau terrienne sont remplacées par des pluies de fer à température de fusion... Les nuages de la naine brune sont ainsi probablement formés de fer, de minéraux silicatés (roche), dans une atmosphère composée à majorité par de l'hydrogène et de l'hélium.
Comme le précise l'auteur de l'étude, Ian crossfield, la météo sur Luhman pourrait être particulièrement exotique : on pense depuis longtemps que les naines brunes ont une surface semi-liquide, mais désormais, on peut mapper directement l'atmosphère et en déduire les phénomènes météorologiques à l'oeuvre. Bientôt, nous pourrions être capables de voir les nuages se former, évoluer et se dissoudre, comme on l'observe de nos jours, sur, par exemple, Jupiter. Peut-être les exo-métérologues seront-ils alors en mesure de prédire si l'on doit s'attendre à un ciel dégagé ou des averses de lave métallique!
I. Crossfield et al., (2014). "A global cloud map of the nearest known brown dwarf", Nature 505, 654-656 (30 Janvier 2014)